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Sherlock : les scénaristes élucident le mystère

Sherlock est de retour ! C’est ce soir que le premier des 3 nouveaux téléfilms sera diffusé sur France 4. Certes, les adaptations au cinéma ou à la télévision de Sherlock Holmes n’ont jamais cessé. Mais celle créée en 2010 pour la BBC par Steven Moffat et Mark Gatiss est non seulement un succès international, mais elle aussi a propulsé au rang de superstar ses deux interprètes, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman. Encensés pour la qualité de leurs épisodes, et le soin apporté à leur conception et à leur réalisation originale, les deux créateurs n’imaginaient pas que leur passion pour l’univers d’Arthur Conan Doyle (qu’ils partageaient régulièrement dans un train les emmenant de Cardiff à Londres) allait donner naissance à cette transposition contemporaine de Sherlock Holmes.

En exclusivité française, je me suis rendu sur le tournage de cette nouvelle saison en mai dernier : c’est depuis le décor même de l’appartement de Sherlock que Steven Moffat et Mark Gatiss m’ont confié quelques indices.

Etait-ce risqué de créer une version contemporaine de Sherlock Holmes ?

Steven Moffat : Clairement, non. On était extrêmement enthousiaste à l’idée de faire notre série sur Sherlock Holmes. On discutait sans cesse de Holmes ! Nous sommes des méga-fans !
Mark Gatiss : On avait nos Holmes et Watson en tête… Déjà, dans l’histoire d’origine, Watson était blessé en Afghanistan, et nous avons maintenant la même guerre. Mais cette coïncidence ne suffisait pas à rendre Sherlock Holmes aussi spécial à notre époque. Clairement, Conan Doyle a inventé la police scientifique et Les Experts. Même si Scotland Yard utilise maintenant les traces ADN et les empreintes digitales, Sherlock Holmes reste l’homme le plus intelligent, celui qui va faire des déductions extraordinaires. En fait, une fois que la série a été un succès confirmé, on ne s’est jamais plus interrogé sur la pertinence de le placer dans le monde moderne : Sherlock Holmes a toujours été un homme moderne !

Quel est le secret pour créer une telle série ?
Mark Gatiss : Nous ! (rires) ! De la passion !
Steven Moffat : Il faut suivre son enthousiasme. Toutes les séries qui marchent sont faites par des gens qui adorent ce qu’ils font. On ne peut pas être cynique et réussir.

Chaque saison a plus de succès que la précédente. Cela vous met-il la pression ?
Steven Moffat : C’est simple d’écrire pour une série que tout le monde adore. La pression, on la ressent quand on doit écrire pour une série que les gens détestent ! Ça revient toujours au fait d’être passionné par ce que l’on fait : on écrit d’abord pour soi-même, mais pas de façon égocentrique. On fait du mieux que l’on peut en prenant le plus de plaisir possible.

Pensez-vous que la relation entre Holmes et Watson pourrait prendre un autre tournant ?

Steven Moffat : L’histoire est bien connue depuis des dizaines d’années. C’est très bien si des fans veulent imaginer une autre histoire mais ce n’est pas l’Histoire ! Il s’agit de la plus formidable amitié de fiction, voilà ce que c’est ! Ce n’est pas l’histoire de deux personnages qui couchent ensemble !
Mark Gatiss : Depuis le début, on a ce gag qui court pendant toute la série : les autres personnages imaginent que, parce qu’ils vivent ensemble, ils sont gays ! Et c’est plutôt positif de montrer que, dans le monde actuel, ça ne serait pas un problème. Mais je ne peux pas être plus clair : ils ne sont pas gays ! Ça vient du film de Billy Wilder, mais ce n’est qu’un clin d’œil. Mais l’autre aspect, c’est que si jamais un jour on décide soudain qu’ils sont gays, ça en serait terminé !
Steven Moffat : Oui, ils ne seraient plus qu’un couple ! Et pour être encore plus clair, depuis quelques 110 ans, le Docteur Watson est un coureur de jupon, et Sherlock Holmes est totalement désintéressé par tout ce qui touche à l’amour et au sexe. Alors, que voulez-vous qu’il puisse se passer entre eux, une fois dans leur chambre à coucher ? (rires)

Pourquoi seulement trois épisodes par saison ?
Steven Moffat : Ce qu’il y a de bien avec Sherlock, c’est qu’en faire uniquement trois, cela ne bloque pas autant que Doctor Who, par exemple. Trois épisodes, cela permet de faire autre chose et de revenir sur Sherlock ensuite.
Mark Gatiss : Et il y a aussi le fait que Benedict et Martin sont devenus des superstars. On doit faire avec leur planning. Par exemple, Martin a dû partir sur Le Hobbit, alors on a fait deux épisodes en mai et le troisième en août.

Pourriez-vous continuer sans eux, ou avec d’autres acteurs ?

Mark Gatiss : Non, on ne touchera à rien. On ne touchera pas à cette alchimie.
Steven Moffat : Il y aura d’autres Sherlock Holmes et d’autres Watson. Mais cette version-là, pas question qu’on la change.
Mark Gatiss : On espère bien pouvoir les suivre d’années en années, de les voir vieillir et atteindre l’âge qu’avaient Basil Rathbone et Nigel Bruce !

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

Crédits photos : © BBC Worldwide / Hartswood Films