Game of Thrones ou Thor : le même réalisateur aux commandes

Pour une série, je vous parle toujours de scénaristes et de showrunners, mais la réalisation est elle aussi importante. Car même si le réalisateur change à chaque épisode, il reste un maillon-clef de la production. À tel point que les réalisateurs de séries télé sont aussi à la tête des plus gros blockbusters contemporains.


Thor : Le Monde des Ténèbres
, qui sort actuellement en DVD et en Blu-Ray, a été mis en scène par Alan Taylor, un habitué des épisodes de série. Il a notamment réalisé plusieurs épisodes de Game of Thrones. Ce passage sur grand écran est-il une consécration ? Même pas ! Alors que la frontière entre réalisation télé et cinéma disparait de plus en plus, Taylor m’a parlé sans langue de bois de son statut de metteur en scène apte à passer d’un univers à l’autre.



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Plus créatif et moins cher !
Quand est venu le moment de choisir un metteur en scène pour diriger les nouveaux exploits de Thor (cette fois-ci allié à Loki pour combattre Malekith et ses elfes noirs), Kevin Feige, le producteur des films Marvel, s’est tourné vers Alan Taylor parce qu’il avait vu son travail sur Game of Thrones mais aussi sur Mad Men et Les Soprano. Oui, Taylor a travaillé sur toutes ces séries prestigieuses, ainsi que sur des comédies comme Sex and the City.
« La télé devient de mieux en mieux, et il y a donc plus de créativité de la part des réalisateurs de télévision » m’ a confié Alan Taylor. « Et oui, un réalisateur télé est moins cher ! En plus, on est économique : sur un épisode de la série Homicide, je filmais 13 pages de script en une journée. Sur un film comme celui-ci, on tourne 2 pages par jour. On sait donc être efficace et cela est rassurant pour une production. »

Beaucoup de liberté

Artistiquement parlant, la présence de Taylor à la tête d’un film de cette ampleur est très logique : « Je fais des séries qui sont de plus en plus cinématographiques. En même temps, les films commencent à avoir de plus en plus de point commun avec les séries, en ce sens qu’ils racontent des histoires qui s’enchevêtrent d’un film à l’autre, avec des réalisateurs qui vont et viennent d’un film à l’autre. C’est une approche très « télé » de la créativité, et c’est un peu comme cela que fonctionnent les blockbusters. Vous entrez dans quelque chose qui existe déjà. »
Les réalisateurs de télé rêveraient tous de passer au long-métrage ? « C’est devenu une vision dépassée et très romantique des choses ! On voit de plus en plus de réalisateurs qui veulent faire les deux. Pour Thor, j’étais surpris de constater la latitude, la liberté d’action qu’on m’a donnée pour le tournage. Je pensais qu’on voulait un autre film, comme le premier, et moi, je voulais faire un film plus sombre, plus « crade ». Dans une série, vous n’avez pas ce degré d’adaptation : l’épisode pilote existe. Vous devez le suivre

Game of Thrones : une série historique… avec quelques dragons
« J’ai fait Game of Thrones en ayant plus en tête l’idée d’une série historique, comme je l’ai fait en réalisant des épisodes de Rome » raconte Taylor, rappelant qu’il a donc tourné des épisodes de la colossale production de HBO. « Game of Thrones est une série historique… avec quelques dragons ! (rires). Thor, de son côté, est un monde fantastique avec une esthétique médiévale ancrée dans la réalité. Je n’aurai certainement pas été la bonne personne pour réaliser Iron Man ou Hulk. Je me sens plus à mon aise avec de la poussière et des chevaux ! »
Et ne croyez pas qu’un réalisateur de série télé doive rester à un rôle d’exécutant : « Dès la deuxième saison de Game of Thrones, j’ai eu plus de responsabilités [il a été promu producteur exécutif – ndlr], en prenant des décisions sur la distribution et les lieux de tournage pour la saison toute entière. Mais pour vous dire la vérité, je ne suis pas certain d’avoir réellement apprécié ces responsabilités. Ça m’entrainait un peu trop loin de ce que j’aime par-dessus tout : être sur le plateau et tourner ! »

Tourner Game of Thrones avec 48 figurants

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, tourner Game of Thrones n’a pas été une tache intimidante pour Taylor : « Game of Thrones est une production incroyablement complexe : 3 équipes qui filment simultanément dans 5 pays différents, ou à peu de chose près… Mais c’est surtout un cauchemar pour les producteurs qui doivent coordonner tout cela : faire que les équipes ne se télescopent pas, que les acteurs passent d’une équipe à l’autre, qu’ils aillent de Belfast en Islande… »
Et de poursuivre : « Quand on est au poste de réalisateur, c’est moins oppressant. Vous avez le script qui parle de 10 000 guerriers sortant de la forêt, et vous avez 48 figurants pour faire cela. Ça peut vous paraitre paradoxal, mais tourner Les Soprano était plus intimidant que de tourner un épisode de Game of Thrones : les émotions qui passaient dans les scènes, la beauté du travail artistique de James Gandolfini, la force de David Chase… Sur Game of Thrones, c’est plus relax. Avec les deux producteurs, on sent qu’ils prennent du plaisir et qu’ils sont joyeux sur le tournage, de se lever à 4 heures du matin, d’attendre que les chevaux soient réveiller, de tourner dans la boue… C’est du boulot, c’est dur, mais c’est fun ! »

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City
(propos recueillis par Alain Carrazé et Romain Nigita)

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