Le Visiteur du Futur, du web à la télé.

L'avenir des séries françaises passe-t-il par le Web ? J'avais déjà ici même soulevé ce débat, suite à l'arrivée en force de Web-séries auto-produites en France. Aujourd'hui, la barrière a été franchie par l'un des tous premiers auteurs-réalisateurs du net : François Descraques. Le Visiteur du Futur, sa série, numéro 1 sur Dailymotion avec 10 millions de vues, se voit désormais coproduite par la très vénérable France Télévisions ! La saison 3 vient de démarrer sur Studio 4.0 (elle totalise déjà plus de 80 000 vues) et sera prochainement diffusée sur France 4.

François Descraques se souvient de l'une de ses toutes premières présentations, au festival Scénaristes en Séries, en 2009 : « C'était au tout début de la première saison et je devais expliquer à des producteurs et des scénaristes, professionnels de la télévision, ce qu'on faisait, alors que je ne le comprenais pas trop moi-même ! J'avais un peu honte : tout le monde venait avec des vraies séries et moi j'avais un truc complètement « home made », et personne ne savait quoi en faire. »

Le Visiteur du Futur a été pour François l'équivalent du court-métrage pour un cinéaste en devenir : non seulement une carte de visite mais aussi une bonne façon de faire évoluer son savoir-faire. « On a produit les trois premiers épisodes, on les a mis sur Internet et dès qu'on a vu que ça plaisait, on s'est méfié de ne pas tomber dans un format. Dès l'épisode 4, on a changé la formule et on n'a pas arrêté depuis. Maintenant, le plus gros travail pour moi est de garder l'esprit qui nous animait à la base, quand on était à deux dans le Bois de Vincennes, moi qui faisais le son et l'image en même temps. Maintenant, on est une équipe de 15 personnes, on a plus d'ambition, on veut rendre la série vraiment légitime. Mais ce qui a fait que ça a bien marché, c'était vraiment notre état d'esprit où on se permettait tout et où on était rigoureux sur la technique, tout en gardant un esprit de potes et de famille. Mon meilleur ami est ancien lauréat du Conservatoire national d'art dramatique. Raphaël Descraques, qui tient le rôle de Raph, est comédien. Tous les gens avec qui je traîne sont des professionnels, des techniciens. » Et de préciser que François a lui-même fait un BTS audio-visuel.

Mais la différence entre le délire science-fictionnel maîtrisé du Visiteur du Futur et les autres web-séries ne réside pas seulement dans le soin technique qui est apporté. « Ce que les gens ont aimé dans Le Visiteur du Futur, ce sont les personnages et les comédiens. Et savoir faire de bons dialogues, ce n'est pas une question d'argent. Si tu écris mal, tu ne peux pas dire que c'est parce que tu n'as pas le bon logiciel ! Chaque fois, j'écris sur ce que nous vivons. Dans la saison 1, je me demandais où ce concept allait m'amener, tout comme mon personnage se demandait où allait l'entraîner ce visiteur du futur. On s'est ensuite interrogé sur la manière d'arriver à ce que l'on voulait faire, et la saison 2 montre que les moyens qu'utilise le visiteur pour sauver le monde ne marchent pas forcément. Aujourd'hui, je me dis que, quand on fonctionne avec la passion, on est toujours rattrapé par la réalité. Et le personnage de Raph dans la saison 3, se rend compte que sauver le monde ne lui permet pas de payer son loyer ! À quel moment une passion peut-elle nous détruire ? »

Maintenant, la série de François est coproduite par la télévision mais cela n'a rien changé à sa liberté d'auteur : « J'ai pu voir qu'il existait des productions qui pouvaient suivre des gens et les soutenir auprès des chaînes, et des chaînes qui pouvaient dire « Ça nous plaît, c'est très bien, continuez comme ça, ce que vous faites c'est légitime ». Pour moi, c'est nouveau. On est à France Télé, wow ! Je suis déjà très content de ce qui arrive et j'essaie de profiter du moment et surtout de fournir du bon travail. Je ne peux pas parler vraiment de l'avenir, car je suis peut-être le mec le moins au courant de l'avenir ! »

Et pourtant, vous pouvez être assuré de retrouver, un jour ou l'autre, François à la tête d'une grosse production pour la télévision française. Maintenant que des chaines comme France 4 ouvrent enfin leurs portes à la nouvelle génération, biberonnée aux X-Files, nourrie à Lost et autre Doctor Who , les jours de Julie Lescaut sont comptés. Louis la Brocante a, pour sa part, déjà cédé la place…

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City http://www.8artcity.com

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