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Le Titanic refait surface sur la petite lucarne

Cette année marque le centenaire du naufrage du Titanic… et les télévisions de par le monde se frottent les mains. Le public va être sensibilisé à ce triste anniversaire et sera donc tout disposé à regarder un programme télé sur ce sujet. On pourrait croire qu'avec le film de James Cameron (qui ressort en 3D cette semaine), tout a été dit et qu'aucune production télé ne pourrait se hisser au-dessus de cette œuvre marquante. C'est bien mal connaitre le monde des séries !

Le MIP TV (Marché International des Programmes télé) vient de prendre fin à Cannes. Cette édition 2012 a été marquée par plusieurs évènements : l'annonce d'une série policière avec Jean Reno en vedette (Le Grand)… et la soirée de gala consacrée à Titanic, une mini-série en deux grandes parties de 1h30 chacune. Projection du premier épisode, présence des acteurs, tapis rouge avec les photographes… C'était le moment glamour d'un rendez-vous qui, le reste du temps, est un marché réservé aux professionnels.
Présent à ce lancement, le scénariste Julian Fellowes a répété à tous les journalistes qu'il adorait le film de Cameron et que sa production à lui ne pouvait espérer soutenir la comparaison avec le célèbre film. « Nous nous sommes concentrés sur les passagers de façon plus intime, d'analyser les attitudes des gens qui étaient sur ce bateau » m'a-t-il expliqué lors du tapis rouge. « Il n'y a donc pas une histoire mais plusieurs. Il n'était même pas question d'approcher l'aspect spectaculaire du film. D'ailleurs, je pense que notre façon de traiter les choses ne conviendrait pas au cinéma. Réciproquement, le style donné par Cameron à la tragédie ne correspondrait pas pour une fiction télé. »


Si Fellowes était ainsi courtisé par la presse, c'est parce qu'il est aussi le créateur du phénomène international Downton Abbey, un vrai carton dans le monde entier. Cette saga sur une famille d'aristocrates britanniques en proie aux changements radicaux de la société au début du XXème siècle, et de leurs serviteurs, une véritable deuxième famille pour eux, a hissé le scénariste sur le devant de la scène. Et son Titanic fait donc écho à la série, puisque celle-ci commençait justement par la mort de plusieurs membres de la famille Crawley dans le naufrage du navire !
Fellowes reconnait être « un peu obsédé par le Titanic » ! Mais bien plus que cela, le point commun entre les deux œuvres est l'étude des différences de classes. « Ma série, Downton Abbey, examine les classes sociales dans le contexte des maitres et des serviteurs, les aristocrates et les travailleurs. Hormis le personnage d'Elisabeth, c'est à peu près tout ce que nous voyons de l'époque. Dans Titanic, sur le bateau, il y a les premières classes, les deuxième classes, mais aussi les stewards, le personnel de bord, les mécaniciens, les officiers… C'est un vrai monde en miniature, beaucoup plus complexe que celui de Downton Abbey. Et cela me permet de raconter beaucoup plus d'histoires car j'ai beaucoup plus de personnages. »

Formaté en deux fois 1h30, la mini-série Titanic a cela de particulier que sa narration revient plusieurs fois sur des scènes et des évènements que le téléspectateur a déjà vus, mais étoffés par une autre perspective, un autre point de vue. De la montée des passagers jusqu'au naufrage, c'est un véritable puzzle qui se livre à nous, une articulation scénaristique qui pourrait en irriter plus d'un, tant elle donne l'impression de revoir deux fois la même chose ! Ce sentiment va être encore plus renforcé en France puisque la chaine TMC va très vite diffuser ce Titanic, mais en une seule soirée, le 14 avril prochain… Les mystères de la programmation à la télévision française sont insondables !

Si, de son côté, Fellowes et ses acteurs sont les plus proches de la date anniversaire du 15 avril, ils ne sont cependant pas les seuls. Lors de ce même MIP TV, une autre société de production, Tandem, proposait en effet une mini-série radicalement différente. Titanic : Blood and Steel retracera, en 12 épisodes, la construction du célèbre bateau, avec les financiers qui ont investi dessus, les ouvriers qui l'ont bâti et se sont rebellés, et toutes les intrigues qui ont eu lieu autour du navire, allant même jusqu'au meurtre. Extrêmement luxueuse, cette série a pour vedette Chris Noth (New York Police Judiciaire et surtout le fameux Mister Big de Sex and the City). À ses côtés : Neve Campbell (Scream, La Vie à Cinq), Derek Jacobi (Cadfael) et une pléiade de jeunes et beaux comédiens et comédiennes !
Ces deux productions entrent aussi dans le cadre des fictions télé « historiques », qui sont revenues sur le devant de la scène depuis quelques années : de Mad Men à Boardwalk Empire, de Camelot aux Piliers de la Terre. Cette exploration du passé nécessite des moyens considérables en termes de décors, de costumes, de reconstitution… mais ce type de séries donne lieu à de véritables « évènements télévisuels » qui changent des séries habituelles, policières contemporaines. De plus, il s'agit là souvent de coproductions internationales (comme Borgia) et c'est souvent dans un marché tel que le MIP qu'elles se concrétisent. Preuve de cette abondance de séries « historiques » : Copper, autre production ambitieuse et montrée au MIP, avec des enquêtes policières qui se déroulent à New York… en 1860, dans une ambiance très proche de Gangs of New York.
Avec Titanic et les autres, on pourrait craindre que la télévision revienne en arrière. C'est oublier que les bonnes histoires sont intemporelles.

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

Crédit photo :
Titanic : © ITV Studios
MIP : © 360 MEDIAS