Le sexe et le sang sont-ils les ingrédients essentiels de Game of Thrones ?

Game of Thrones : Le Trône de Fer

s’apprête à envahir enfin la France, et la diffusion de sa première saison sur Canal + à partir du 10 janvier n’en sera que l’un des aspects. En effet, si vous ne voulez pas attendre, la saison 2 sera éditée début mars en DVD et en Blu-ray (le format rêvé pour une série avec une telle qualité visuelle) et un coffret réunissant les deux saisons sera aussi disponible. Quant à la suite, c’est le 10 mars que la saison 3 sera lancée sur HBO aux États-Unis, et on peut parier que OCS (qui diffuse la série en France en première exclusivité depuis 2011) proposera la saison 3 dès le lendemain de la diffusion américaine en SVOD (comme elle l’avait déjà fait avec la 2).

GAME OF THRONES - Saison 1 - Bande-annonce

La série a aussi le « privilège », si l’on peut dire, d’être en tête des téléchargements illégaux pour l’année 2012. D’après une étude menée par TorrentFreak, chaque épisode de la saison 2 a été téléchargé illégalement en moyenne 3,9 millions de fois dans le monde. Par comparaison, le dernier épisode de la saison 2 a été vu par 4,2 millions d’abonnés lors de sa première diffusion sur la chaîne payante américaine HBO.

Si on ajoute à ces chiffres les audiences des différents replay et de la VOD, près de 10,4 millions de téléspectateurs américains en moyenne ont regardé la saison 2, soit un peu plus que la saison 1 qui totalisait déjà un chiffre étourdissant de 9,3 millions de moyenne. La chaîne HBO qui produit la série, et qui fonctionne sur le même mode que notre Canal + national, a aussi annoncé que Game of Thrones était son best-seller international, vendu à travers le monde entier.

UNE COURONNE POUR LA HBO

Un engouement d’autant plus étonnant qu’il ne s’agit pas d’une production formatée pour plaire au plus large public possible. Comme Sex and the City ou Rome, Game of Thrones est une série ambitieuse, sans concession, à la narration complexe et qui ne recule devant aucun tabou. La production a dépensée quelques 50 millions de dollars pour la seule première saison, avec 170 jours de tournage à Belfast, à Malte et au Maroc, avec jusqu’à 583 personnes œuvrant sur la série ! Le co-créateur et producteur, David Benioff, le confirmait d’ailleurs sur le tournage : « HBO a la réputation d’exploser les genres conventionnels : c’est ce qu’ils ont fait avec Les Soprano pour le film de gangsters, avec Deadwood pour le western et avec The Wire pour la série policière. »

UNE SAGA DE DARK FANTASY

Énorme œuvre de « dark fantasy », Game of Thrones est une saga médiévale fantastique basée sur les romans à succès de George R. R. Martin (5 millions d’exemplaires vendus rien qu’aux États-Unis). L’histoire se déroule dans un autre monde, où les hivers peuvent durer entre 10 et 50 ans. Dans cet univers, deux familles s’opposent pour le contrôle des sept couronnes de Westeros. Intrigues de cour et trahisons sont de mise : d’un côté, la noble famille Stark, où Ned (Sean Bean) est nommé Main du Roi auprès de son ami et souverain Robert Baratheon ; de l’autre, les machiavéliques Lannister, avec à leur tête la reine Cersei (Lena Headey), son frère jumeau Jaime (Nikolaj Coster-Waldau), et leur autre frère Tyrion (Peter Dinklage). Parallèlement, les Targaryen complotent leur retour au pouvoir depuis le continent de l’Est : Viserys et sa jeune sœur Daenerys la princesse dragon, espèrent, comme les autres familles, conquérir le trône de fer et posséder ainsi un pouvoir incroyable.


Alors qu’est-ce qui peut bien créer un tel engouement pour une série qui se positionne comme un croisement entre Le Seigneur des Anneaux et Les Rois Maudits ? L’originalité du genre, tout d’abord, rarement traité à la télévision. On est plus souvent rassasié de policiers ou de médecins que de chevaliers en armures qui guettent du haut du Grand Mur des créatures qui se dissimulent de l’autre côté d’une paroi montagneuse !

Mais il faut aussi compter avec les ingrédients qu’une diffusion sur une chaîne payante peut se permettre d’ajouter : la violence et le sexe. Déjà très largement présentes dans les ouvrages d’origine, les décapitations sont monnaie courante au royaume du Trône de Fer et il ne fait pas bon s’attacher trop longtemps à des personnages que l’on croirait être les héros de la série...

INCESTE, VIOL ET PROSTITUEES

Le sexe ensuite est, quant à lui, motivé par la trame et jamais gratuit. La reine Lannister entretient une relation avec son propre frère ; le nain Tyrion est grand consommateur de prostituées, et surtout la jeune princesse Targaryen est « offerte » comme compagne à Khal Drogo, le chef des guerriers nomades Dothraki, L’actrice Emilia Clarke, rencontrée au Festival de télévision de Monte Carlo, n’est pas choquée outre mesure par les scènes qu’on lui a fait tourner : « C’était totalement justifié car le personnage vit un éveil sexuel, et on ressent beaucoup d’empathie avec ce qu’elle doit subir. Cela fait partie intégrante de l’histoire, même si c’était effrayant à tourner ! Quand on est une toute jeune actrice, ce n’est pas ce que l’on rêve de faire ! »

UN TRÔNE DE FER TRÈS ÉLOIGNÉ DE SPARTACUS

Mais sexe et violence ne sont que des ingrédients. Au cœur de la série, et raison de son succès malgré un démarrage assez lent, il y a l’interprétation, la profondeur des personnages, les passionnantes intrigues, les décors grandioses, la musique symphonique, le générique splendide... Un élément manque, cependant : l’humour, écrasé par le trop grand sérieux de l’entreprise, l’importance des conflits et des enjeux. Aucun second degré dans Game of Thrones, de peur de sombrer dans le plaisir coupable à la Spartacus ou dans l’excès des Tudor, deux séries bien plus sexe et plus outrancières.

Profitez bien de la saison 1, exigeante et prenante, car la deuxième va se complaire dans l’outrance et la luxure de façon un peu trop gratuite, au point d’être parodié dans des émissions satiriques comme le fameux Saturday Night Live. On avait déjà vu une telle évolution dans True Blood, l’autre série de HBO qui, elle, s’enlise d’année en année…

Game of Thrones commence comme une série qui donne de la légitimité au genre, mais cela va-t-il continuer ?

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

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