Elle est belle, elle est belle, ma série !

Il est de bon ton de parler de l'invasion des séries américaines sur nos petits écrans, et de mépriser les productions françaises, qui seraient incapables de s'exporter. Mais est-ce vrai, au fond ?

Lundi prochain commencera sur Canal + la saison 4 d'Engrenages, une série policière atypique qui s'est forgée une identité forte au fil des années. Mêlant policiers, enquêteurs, juges et avocats, cette saison de douze épisodes (fait exceptionnel pour une série française de prime time) est aussi haletante, forte et intelligente que la précédente, avec une interprétation sans faille et des moments de grande intensité. Tout ce qu'il faut pour séduire une chaîne étrangère, car Spiral (c'est son nom en Grande-Bretagne) est aussi diffusée sur BBC Four, chaîne qui s'est carrément associée à cette saison !

À Biarritz, on vend les séries !

Et justement, c'est dans quelques jours (du 9 au 13 septembre) que les professionnels se réuniront à Biarritz pour « Le Rendez-vous », un marché traditionnellement organisé par TV France International, un organisme dont la vocation est de susciter et promouvoir l'exportation de nos programmes. Pour cette 18e édition, les participants pourront d'ailleurs découvrir, en avant-première mondiale, le tout premier épisode du Transporteur, la série internationale adaptant les films produits par Luc Besson. Avec Borgia, XIII et Jo (la série de TF1 avec Jean Reno), c'est un nouvel exemple de production initiée en France, mais conçue comme une coproduction internationale et tournée en anglais. Car la langue est effectivement le premier obstacle à surmonter pour exporter nos séries.

Le deuxième élément est le format : quand une série française est achetée par une chaîne étrangère, elle va être diffusée en prenant la place d'une série américaine dans la grille de programmes. Elle doit donc faire la même durée : 45 à 50 minutes pour une série dramatique, ou 21 à 25 minutes pour une comédie. Et pas 90 ou 75 minutes, comme on le fait encore trop souvent en France ! Il faut aussi avoir assez d'épisodes pour tenir l'antenne : douze au moins, et non pas six (la Grande-Bretagne a le même souci). C'est cela qui a permis à XIII de se vendre dans 160 pays… avec en plus l'avantage d'être un thriller assez formaté.

L'impact international

Quelques chiffres intéressants : la vente des séries françaises à l'étranger représente globalement quelque 20 millions d'euros. Engrenages réunit en moyenne 500 000 téléspectateurs sur BBC Four (le double de la moyenne de la chaîne) ; Chante, la série pour jeunes de France 2, en fait autant mais en quotidien et l'après-midi sur Italia 1 sous le titre de Studio 24 ; Borgia a attiré 6,2 millions de téléspectateur sur la ZDF et Le Miroir de l'eau a cartonné aussi en Italie, avec 4,8 millions de téléspectateurs ! Et c'est sans compter les adaptations pures et simples en cours, comme Pigalle la nuit, Braquo, Les hommes de l'ombre et Hénaut Président, ainsi que la vente de formats comme Camera Café ou Vous les Femmes.

Le bilan de TV France International estime que les séries françaises s'exportent bien, en dehors des zones d'influence ou géographiques habituelles, à la différence des telenovelas ou des séries coréennes, par exemple. Car le dernier élément crucial dans la vente à l'étranger, c'est la France ! Cela peut sembler paradoxal mais, tout comme Chapeau melon et bottes de cuir fascinait le monde entier avec sa vision décalée et anachronique de la Grande-Bretagne, c'est l'omniprésence de Paris dans Engrenages, ou de Saint-Tropez dans Sous le soleil, qui séduit les chaînes étrangères. Si le phénomène « carte postale » n'existe plus trop avec les séries US, il est encore capital pour une production française, à tel point que les enquêtes de la future série Jo auront toutes un ancrage fort dans un lieu mythique de Paris.

Bien sûr, alors que 783 heures de séries françaises sont diffusées en prime time dans les autre pays d'Europe, les séries britanniques en comptabilisent 2 279… et les américaines plus de 20 000 ! Mais sur le marché international, Julie Lescaut, Nicolas le Floch, Inquisitio ou Braquo ne comptent pas pour des prunes !

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City http://www.8artcity.com

Crédit photo : Nathalie Mazéas © Son et Lumière / Canal+