Downton Abbey : le succès des séries en costumes

C'est ce samedi que va enfin être lancée en France l'une de séries les plus réussies de ces dernières années : Downton Abbey. La chaine TMC diffusera les 4 premiers épisodes en soirée, avant de conclure cette première saison le samedi suivant. Un peu contradictoire, non ? Si cette série était aussi excellente qu'on le dit, pourquoi la carboniser en deux week-ends, pendant la période des fêtes ?

Le phénomène qu'est Downton Abbey était imprévisible et inimaginable. Cette production britannique, que l'on pourrait croire désuète et banale, cache effectivement bien son jeu. Sous ses allures de remake de Maitres et Valets se dissimule une œuvre riche, aux personnages complexe et profonds, et à l'environnement particulièrement fascinant. Cette série avait initialement été conçue par Julian Fellowes comme une suite au film Gosford Park, dont il était le scénariste et que Robert Altman avait mis en scène 2001 ; ce film dénonçait les relations entre les aristocrates et leurs domestiques, dans l'Angleterre des années 30, mises au grand jour via les rebondissements d'une enquête policière.
Délaissant l'intrigue policière, Fellowes et le producteur Gerth Nerame conçoivent ainsi une série télé qui suit des personnages vivant en 1912, des deux côtés de la hiérarchie sociale. Les aristocrates Crawley, Lord Grantham, Cora la comtesse de Grantham et leurs trois filles, Mary, Edith et Sybil. Et les domestiques qui travaillent dans les sous-sols et se retrouvent une fois le diner terminé : messieurs Carson, Bates, Thomas et William, mesdames Hughes et O'Brien, les servantes Anna, Gwen, Ethel, la petite Daisy, la cuisinière Beryl…

La grande force de Downton Abbey est de ne pas s'attacher de façon trop pesante sur les différences de classes et les notions de domestiques : la série regroupe les deux classes sous un même toit, la fameuse Downton Abbey, qui est menacée d'être abandonnée suite à la mort des héritiers dans le naufrage du Titanic. On découvre très vite que protéger leur maison est le lien qui unit ces gens : pour les Crawley, il s'agit de leur statut et de leur patrimoine, et pour les servants c'est leur maison, tout simplement.
Très vite, nous découvrons que les trois filles Crawley s'opposent sans cesse, que le souffle de la modernité se répand et que les idées de libération de la femme se frayent un chemin dans leurs esprits. La vielle douairière, Violet, a du mal à accepter cette évolution et distille des remarques acerbes, ce qui en fait le personnage le plus savoureux de cette saga (Maggie Smith, qui tient ce rôle, est proprement stupéfiante). Chaque personnage est loin d'être aussi stéréotypé qu'on ne l'imagine : chaque épisode nous révèle des failles, des peurs et des espoirs qui se dissimulent sous les masques de ces gens trop guindés. Thomas n'hésite pas à jouer de son homosexualité pour réussir, l'une des jeunes femmes de chambre tente en secret de devenir secrétaire, une autre est déchirée entre ses responsabilités à Downton et le retour d'un ancien prétendant qui lui propose mariage et sécurité…

Absolument passionnante, cette peinture de personnages aux aspirations incroyablement contemporaines fait de Downton Abbey une série addictive, d'autant qu'elle est portée par la richesse de sa mise en scène totalement somptueuse (le budget est d'environ 1,17 millions d'euros par épisode). L'impact est immédiat, dès la diffusion initiale sur la chaine britannique ITV en Septembre 2010. Le 7ème et dernier épisode de la saison 1 réunira près de 11 millions de téléspectateurs outre-Manche. Et ce succès s'exporte ! Downton Abbey casse la baraque en Australie et récolte une moisson d'Emmy Awards aux Etats-Unis : meilleure mini-série, meilleure réalisation, meilleur scénario, une autre récompense pour Maggie Smith… Six Emmys en tout, dérobés au nez et à la barbe de la dernière production de HBO, que l'on annonçait favorite. La deuxième saison s'est récemment achevée sur ITV, avec 12 millions de fidèles. Sans oublier un épisode spécial de Noel qui sera prochainement diffusé et une saison 3 déjà en route.

C'est donc de l'or en barres que récupère TMC (via TF1 qui a acquis les droits de la série pour la France). C'est d'ailleurs depuis la rentrée que la chaine annonce cette arrivée et veut en faire son évènement de l'année. Le mélange de modernité dans la narration et les personnages, et de traditionnel dans la forme d'une série « en costumes » peut faire mouche chez nous aussi, et tout spécialement pour un public familial.
Manque de chance, la programmation de la chaine a décidé de traiter la série comme un grand téléfilm, un « one shot » propice à une programmation de fêtes. Ce faisant, les épisodes de la saison 1 seront donc diffusés à la suite, de 20h45 à 00h40 pour ce samedi, et jusqu'à 23h40 pour le 17 décembre ! À une fidélisation sur la durée, on a préféré un coup en deux soirées. Si on peut le regretter, et déplorer que cela laisse trop peu de temps au public pour découvrir et s'habituer à ce nouveau rendez-vous, il faut bien reconnaitre que les téléspectateurs français en redemandent. Toutes les soirées de prime-time sur toutes les chaines françaises sont constituées d'un seul programme, et pas de plusieurs qui s'enchainent. Une programmation aussi longue permet également d'avoir à la fois les téléspectateurs de la première partie de soirée, puis ceux qui zapperont vers 22h30, une fois que les programmes des autres chaines seront terminés. Enfin, cela permet d'obtenir de façon assez artificielle, une audience globale dopée en cumulant les cases de première et de deuxième partie de soirée.
En tout cas, que ces manipulations de grilles ou de chiffres ne vous empêchent pas de savourer cette série exceptionnelle. Elle participe à la résurgence des séries historiques, explorant sous un angle moderne la société d'antan. Avec aussi des Mad Men et des Pan Am, le genre est donc dépoussiéré, ce qui devrait nous donner pas mal d'idées pour sortir un peu de nos traditionnelles productions patrimoniales. Un Village Français, bon exemple de cette même tendance, a aussi séduit le public. Alors qu'attendons-nous ?

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

Crédit photo : © NBC UNIVERSAL

C'est ce samedi que va enfin être lancée en France l'une de séries les plus réussies de ces dernières années : Downton Abbey. La chaine TMC diffusera les 4 premiers épisodes en soirée, avant de conclure cette première saison le samedi suivant. Un peu contradictoire, non ? Si cette série était aussi excellente qu'on le dit, pourquoi la carboniser en deux week-ends, pendant la période des fêtes ?

Le phénomène qu'est Downton Abbey était imprévisible et inimaginable. Cette production britannique, que l'on pourrait croire désuète et banale, cache effectivement bien son jeu. Sous ses allures de remake de Maitres et Valets se dissimule une œuvre riche, aux personnages complexe et profonds, et à l'environnement particulièrement fascinant. Cette série avait initialement été conçue par Julian Fellowes comme une suite au film Gosford Park, dont il était le scénariste et que Robert Altman avait mis en scène 2001 ; ce film dénonçait les relations entre les aristocrates et leurs domestiques, dans l'Angleterre des années 30, mises au grand jour via les rebondissements d'une enquête policière.

Délaissant l'intrigue policière, Fellowes et le producteur Gerth Nerame conçoivent ainsi une série télé qui suit des personnages vivant en 1912, des deux côtés de la hiérarchie sociale. Les aristocrates Crawley, Lord Grantham, Cora la comtesse de Grantham et leurs trois filles, Mary, Edith et Sybil. Et les domestiques qui travaillent dans les sous-sols et se retrouvent une fois le diner terminé : messieurs Carson, Bates, Thomas et William, mesdames Hughes et O'Brien, les servantes Anna, Gwen, Ethel, la petite Daisy, la cuisinière Beryl…

La grande force de Downton Abbey est de ne pas s'attacher de façon trop pesante sur les différences de classes et les notions de domestiques : la série regroupe les deux classes sous un même toit, la fameuse Downton Abbey, qui est menacée d'être abandonnée suite à la mort des héritiers dans le naufrage du Titanic. On découvre très vite que protéger leur maison est le lien qui unit ces gens : pour les Crawley, il s'agit de leur statut et de leur patrimoine, et pour les servants c'est leur maison, tout simplement.

Très vite, nous découvrons que les trois filles Crawley s'opposent sans cesse, que le souffle de la modernité se répand et que les idées de libération de la femme se frayent un chemin dans leurs esprits. La vielle douairière, Violet, a du mal à accepter cette évolution et distille des remarques acerbes, ce qui en fait le personnage le plus savoureux de cette saga (Maggie Smith, qui tient ce rôle, est proprement stupéfiante). Chaque personnage est loin d'être aussi stéréotypé qu'on ne l'imagine : chaque épisode nous révèle des failles, des peurs et des espoirs qui se dissimulent sous les masques de ces gens trop guindés. Thomas n'hésite pas à jouer de son homosexualité pour réussir, l'une des jeunes femmes de chambre tente en secret de devenir secrétaire, une autre est déchirée entre ses responsabilités à Downton et le retour d'un ancien prétendant qui lui propose mariage et sécurité…

Absolument passionnante, cette peinture de personnages aux aspirations incroyablement contemporaines fait de Downton Abbey une série addictive, d'autant qu'elle est portée par la richesse de sa mise en scène totalement somptueuse (le budget est d'environ 1,17 millions d'euros par épisode). L'impact est immédiat, dès la diffusion initiale sur la chaine britannique ITV en Septembre 2010. Le 7ème et dernier épisode de la saison 1 réunira près de 11 millions de téléspectateurs outre-Manche. Et ce succès s'exporte ! Downton Abbey casse la baraque en Australie et récolte une moisson d'Emmy Awards aux Etats-Unis : meilleure mini-série, meilleure réalisation, meilleur scénario, une autre récompense pour Maggie Smith… Six Emmys en tout, dérobés au nez et à la barbe de la dernière production de HBO, que l'on annonçait favorite. La deuxième saison s'est récemment achevée sur ITV, avec 12 millions de fidèles. Sans oublier un épisode spécial de Noel qui sera prochainement diffusé et une saison 3 déjà en route.

C'est donc de l'or en barres que récupère TMC (via TF1 qui a acquis les droits de la série pour la France). C'est d'ailleurs depuis la rentrée que la chaine annonce cette arrivée et veut en faire son évènement de l'année. Le mélange de modernité dans la narration et les personnages, et de traditionnel dans la forme d'une série « en costumes » peut faire mouche chez nous aussi, et tout spécialement pour un public familial.

Manque de chance, la programmation de la chaine a décidé de traiter la série comme un grand téléfilm, un « one shot » propice à une programmation de fêtes. Ce faisant, les épisodes de la saison 1 seront donc diffusés à la suite, de 20h45 à 00h40 pour ce samedi, et jusqu'à 23h40 pour le 17 décembre ! À une fidélisation sur la durée, on a préféré un coup en deux soirées. Si on peut le regretter, et déplorer que cela laisse trop peu de temps au public pour découvrir et s'habituer à ce nouveau rendez-vous, il faut bien reconnaitre que les téléspectateurs français en redemandent. Toutes les soirées de prime-time sur toutes les chaines françaises sont constituées d'un seul programme, et pas de plusieurs qui s'enchainent. Une programmation aussi longue permet également d'avoir à la fois les téléspectateurs de la première partie de soirée, puis ceux qui zapperont vers 22h30, une fois que les programmes des autres chaines seront terminés. Enfin, cela permet d'obtenir de façon assez artificielle, une audience globale dopée en cumulant les cases de première et de deuxième partie de soirée

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En tout cas, que ces manipulations de grilles ou de chiffres ne vous empêchent pas de savourer cette série exceptionnelle. Elle participe à la résurgence des séries historiques, explorant sous un angle moderne la société d'antan. Avec aussi des Mad Men et des Pan Am, le genre est donc dépoussiéré, ce qui devrait nous donner pas mal d'idées pour sortir un peu de nos traditionnelles productions patrimoniales. Un Village Français, bon exemple de cette même tendance, a aussi séduit le public. Alors qu'attendons-nous ?

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City http://www.8artcity.com

Crédit photo : © NBC UNIVERSAL