Braquo saison 3 : rencontre avec le scénariste

La saison 3 inédite de Braquo démarre lundi prochain sur Canal+. À plus d’un titre, elle est emblématique des séries créées par la chaine cryptée : après avoir lancé des productions comme Engrenages ou Reporters, la chaine a trouvé son rythme de croisière en transposant l’univers polar d’Olivier Marchal dans une série policière au réalisme sublimé, sorte de western urbain, noir et violent.
C’est Abdel Raouf Dafri qui a pris la relève pour les saisons suivantes (et il travaille déjà sur la future saison 4). Avant Braquo, il avait notamment écrit la série La Commune, série ambitieuse et dérangeante sur la banlieue, réalisée par Philippe Triboit.
Scénariste controversé depuis son passage dans l’émission Ce soir ou jamais, et au cœur d’une polémique depuis son coup de gueule sur le cinéma français, Abdel parle fort mais souvent bien. Ça tombe bien puisque je l’ai rencontré pour parler de cette nouvelle saison.


En tant qu’auteur de la série, en quoi la saison 3 de Braquo est une évolution ?

Abdel Raouf Dafri : « Auteur » c’est un bien grand mot. En tant que scénariste, c’était de prendre le temps de raconter une histoire, chose que je n’avais pas eu le temps de faire sur la saison 2. La frénésie, l’emballement, le côté un peu foutraque que j’assume… c’est parce que je n’avais pas eu le temps de structurer une arche narrative, car je suis arrivé au moment où on avait de la flotte jusque-là et qu’il fallait trouver un truc pour écoper sans couler le navire. J’ai adoré l’écrire mais je sais qu’il y a eu des imperfections à certains moments et les antagonistes étaient plus caricaturaux que dans cette nouvelle saison. Sur la saison 3, j’ai voulu un peu calmer le jeu, sortir du « bad ass » de la saison 2, creuser des thématiques sur la vengeance, et revenir aux fondamentaux en les faisant travailler en tant que policiers, car le vrai travail de flic n’existait pas dans la saison 1. Moi, les flics que j’ai rencontrés m’ont dit « La saison 2 est d’enfer : quand je la regarde ça me fait penser à tout sauf au boulot ! Cette police-là, en 48h ils sont suspendus ! ».

Avez-vous gardé une cohérence avec la série des débuts ?
Abdel Raouf Dafri : On va découvrir pourquoi Caplan est Caplan. Quand Marchal a créé la série, le personnage de Caplan venait d’un autre corps de police. Le SDPJ c’est en dessous de ses capacités, et à la fin de la saison 1 on apprend qu’il a liquidé des mecs. Il a fait de la police parallèle, donc je voulais creuser ça et comprendre la ligne de fracture de Caplan à l’intérieur du groupe. C’est pour ça que l’épisode 6 est un épisode flashback qui permet de le resituer. Dans l’épisode 6, on va revoir Max Rossi, qui se suicide dans la saison 1. Mais il faut aussi garder l’icône parce que je suis fondamentalement persuadé que si je casse l’icône, je casse la série. Je suis fondamentalement persuadé qu’Olivier Marchal a créé des icônes. On ne voit jamais la vie privée, et tant que ça restait un fantasme ça marchait. Mais j’ai aussi besoin d’alimenter un comédien comme Jean-Hugues Anglade avec des émotions, égratigner l’icône sans la dévoiler complètement. La série tient aussi à ça, c’est un équilibre très fragile à l’écriture.

A-t-on atteint les limites de la violence, avant que celle-ci ne devienne une recette ?
Abdel Raouf Dafri : Quand j’écris, je suis un mec d’instinct, pas un intello, et il y a des scènes auxquelles je pense. Je me dis : « J’aimerais bien voir ça parce qu’on ne le fait pas dans le cinéma français. » D’ailleurs Fabrice [De la Patellière, le directeur de la fiction française à Canal+, NDLR] me le reproche. Il me dit : « J’ai l’impression que, des fois, tu tords l’histoire pour pouvoir caser ta séquence ! » Oui des fois ça arrive ! C’est vrai que c’est aussi un défaut… Là je suis sur la saison 4, et il n’y a pas de violence… Ah, si, il y a une séquence de torture… [rires] Il y en a une ! Une petite ! Dans l’épisode 1 ! Et soyons honnête : le grand public adore ça ! Et moi je suis très bon public aussi, et là je le dis, ça m’éclate ! C’est rock’n’roll !

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

Crédits photos :
© Tibo & Anouchka / Capa Drama / Canal+
© Thibault Grabherr / Capa Drama / Canal+