6 Questions pour House of Cards

Canal+ commence la diffusion de la série House of Cards. Depuis des mois, cette série bénéficie d’un buzz considérable. Innovante ? Marquante ? Un tournant pour les séries, désormais produite par et pour Internet ? Un changement radical ?

Voici donc les six questions que vous pouvez vous poser sur House of Cards, et les réponses les plus objectives possibles.

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HOUSE OF CARDS - Entrez dans l'arène politique

House of Cards, de quoi ça parle ?

Tirée d’un roman de Michael Dobbs, et déjà adaptée à la télévision britannique dans les années 90 (cette première version sort en DVD en France en septembre), House of Cards raconte les machinations et mensonges d’un homme politique qui se voit refuser le poste très haut placé qu’il convoitait au gouvernement des États-Unis. Il va dès lors tout faire pour le récupérer.

Il ne s’agit donc pas d’un thriller à la 24 heures chrono ou Homeland. Il est question de politique américaine, des coulisses de Washington, de coup bas, de traîtrises et d’ambition. C’est un mélange de The West Wing pour l’environnement politique et de Profit pour l’ascension irrésistible d’un homme que rien n’arrête. Et tout comme le héros de cette série-culte, le personnage principal s’adresse directement à la caméra pour parler au téléspectateur.

Est-ce que c’est bien ?

House of Cards est surtout puissamment interprétée et brillamment réalisée : le cinéaste David Fincher (Seven, The Social Network) est aux commandes des deux premiers épisodes et supervise la suite. Lui et le scénariste/showrunner Beau Willimon évoquent Richard III pour marquer l’importance du personnage diabolique et la tonalité Shakespearienne de l’ensemble. Frank Underwood est interprété par Kevin Spacey (American Beauty) et sa femme, Claire, qui le soutient et complote aussi à ses côtés, est incarnée, elle, par Robin Wright (Le Congrès). La série a coûté la bagatelle de 100 millions de dollars pour deux saisons, donc 26 épisodes en tout. Mais on a rapporté que le budget a été largement dépassé par Fincher !

House of Cards est nommée neuf fois pour les prochains Emmy Awards, du jamais vu pour une série qui n’est pas issue d’une chaîne traditionnelle. Il faut dire que le diffuseur américain de la série a mené une campagne extrêmement agressive auprès des votants des Emmys, allant jusqu’à offrir des déjeuner gratuits depuis une cantine itinérante qui s’arrêtait devant les principales rédactions des médias américains… On peut donc imaginer que la série remportera quelques statuettes le 22 septembre prochain.

Netflix a-t-elle créé « une série révolutionnaire » ?

Netflix n’est pas un producteur de série, ni une chaîne de télé classique : c’est un service de streaming américain. Il fonctionne sur la base d’un abonnement mensuel, un peu comme HBO, Showtime ou nos chaines premium comme Canal+ et OCS. Pour 7,99 dollars (c'est-à-dire environ 6 euros), l’abonné peut avoir, sur son ordinateur et les systèmes associés, un catalogue de films au moment de leur sortie DVD, ainsi que des séries qui ont déjà été diffusées sur d’autres chaînes américaines…

Depuis peu, les abonnés de Netflix peuvent aussi découvrir des programmes inédits. Netflix a ainsi importé des séries inédites aux États-Unis, dont Lillyhammer, que l’on verra en France prochainement sur Canal+ Séries. Elle commence aussi à en commander directement pour ses abonnés, dont une nouvelle saison de la comédie Arrested Development et la fameuse House of Cards. Mais cette dernière reste distribuée dans le monde entier par le très classique studio Sony Pictures Television (chez qui on trouve par exemple Breaking Bad et Justified).

En cela, le processus est semblable aux chaines payantes qui diffusent des films et lancent des séries spécifiquement produites pour leurs abonnés. La seule différence est que Netflix met à la disposition de ses abonnés TOUS les épisodes d’une saison d’un seul coup… ce qui parait normal puisque c’est l’abonné qui choisit quand il a envie de regarder son programme.

Faut-il voir tout House of Cards d’un coup comme aux Etats-Unis ?

House of Cards est similaire à des séries comme Boardwalk Empire, Dexter, Homeland ou The Walking Dead : une longue histoire, dont chaque épisode est un chapitre de cette histoire.

Bien que diffusée par Netflix aux États-Unis, la série a été produite dans le but d’être vendue à toutes les chaînes de télévision à travers le monde et donc d’être diffusée de façon traditionnelle. En France, c’est Canal+ qui la diffuse, trois épisodes ce soir puis deux haque semaine. Libre à vous de les voir chaque semaine, de les enregistrer ou d’attendre le DVD... Tout comme les abonnés de Netflix ne sont pas obligés de tout regarder d’un coup, en fonction de leur emploi du temps.

Plus techniquement, les épisodes ont été tournés deux par deux. C’était déjà le cas avec 24 heures chrono. Cette pratique, très répandue en France (on appelle cela tourner en « crossboardé ») se pratique rarement pour les séries longues aux États-Unis, où chaque épisode est tourné à la suite du précèdent. Comme dans les séries déjà citées et bien d’autres encore, la saison 1 de House of Cards se termine au 13e épisode sur une résolution d’une partie de l’histoire… et sur un cliffhanger.

House of Cards a-t-elle été un succès et connaîtra-t-elle une deuxième saison ?

Oui, il y aura bien 13 nouveaux épisodes puisque la commande initiale était de 26 épisodes. Sur son succès aux États-Unis, Netflix ne donne aucun chiffre de visionnage. Mais le diffuseur a annoncé que depuis le développement de sa politique de séries inédites, il a gagné 2 millions d’abonnés, concurrençant ainsi et dépassant même le nombre d’abonnés de HBO (28,7 millions contre désormais 29,2 pour Netflix). Cependant, en avril dernier, il a été révélé que 10 millions de personnes profitaient de Netflix sans abonnement, par le simple partage des codes d’accès…

Reed Hastings, le directeur de Netflix, a annoncé que Hemlock Grove, une autre production originale du service, avait eu plus de succès que House of Cards auprès des abonnés durant le premier week-end de mise en ligne.

S’agit-il du futur des séries ?

De constater qu’un service de VOD peut générer assez de profits pour investir dans la production de séries originales est effectivement une bonne chose et on ne peut qu’espérer que cela se généralise. Mais pour l’instant, House of Cards est écrite comme une série traditionnelle et n’apporte pas une grande révolution dans son contenu. Les autres productions de Netflix, comme surtout Hemlock Grove, une histoire de vampires et de loups-garous, s’avèrent très décevantes.

Bref, comme pour toutes les chaînes traditionnelles, on peut s’attendre à des réussites et à des échecs…

Alain Carrazé, directeur de 8 Art City

Crédits photos :

House of Cards 2013 © Sony Pictures Television Inc. All Rights Reserved.

House of Cards 1990 © BBC Worldwide